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Texte Libre


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Texte Libre


4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 07:52


Un  soir particulièrement délicieux et tiède de mai 1997, Isild-Lizzie, après une agréable promenade au bord du lac, s’était installée sur sa terrasse, et se  balançait doucement sur le rocking chair qu’elle venait d’acquérir dans un vide- grenier.

De la maison lui parvenait la divine voix de Joan Baez et cette chanson, Amazing Grace, qu’elle aimait par-dessus tout.

C’était étrange, elle, tellement indifférente et apparemment peu émotive, elle vibrait de tout son être à ces notes, cette voix, ces paroles.

Elle s’aperçut qu’elle en avait la chair de poule et quasiment les larmes aux yeux.

 

« Quelle sensiblerie, ma chère ! Tu te laisses aller » se morigéna-t-elle.

 

Elle se laissa reprendre par la rêverie alors que Joan Baez entonnait « Farewell Angelina ».

 

Elle n’entendit même pas la BMW de Markus arriver, et lorsque celui-ci apparut dans l’allée,  elle sursauta presque.

 

-Hello, Lizzie ! On se la coule douce ? » Lui jeta-t-il joyeusement avant de grimper à la hâte la volée de marches qui menaient à la terrasse.

Il l’embrassa dans le cou et lui mit une bouteille dans les mains :

 

« Champagne ! A mettre au frais d’urgence ! »

 

Lizzie rit et se dirigea vers la cuisine.

 

« On fête quoi, au juste ? » s’enquit-elle.

  -Surprise, surprise ! »Et Markus rit de bon cœur.

 

C’était un grand gaillard d’une trentaine d’années, assez beau, bronzé, les cheveux bruns et il semblait toujours heureux, se montrait toujours agréable et facile à vivre.

Il prenait la vie avec une certaine insouciance et semblait n’accorder d’attention qu’aux bonnes choses qu’elle pouvait lui apporter.

 

Secrètement, Lizzie lui enviait ce caractère facile, cette aisance avec laquelle il se dépêtrait de tout problème.

Tout glissait sur lui, sauf le bonheur.


Isild lui jalousait .secrètement son aptitude aux plaisirs, quels qu’ils soient, menues jouissances comme grandes félicités.

Il est vrai que tout lui avait souri depuis sa naissance : enfant unique de deux cardiologues renommés, il avait été choyé, n’avait pas jamais connu le moindre problème, le moindre souci.

Facile d’être heureux, avec une telle vie ! Se surprit-elle à penser. S’il avait eu des parents comme les miens, et une vie grise comme une pierre tombale, il serait moins optimiste.

Elle s’en voulut de cette pensée négative, presque jalouse, et, comme pour se faire pardonner, glissa sa main dans la sienne.

Ils restèrent un long moment, immobiles et silencieux, perdus dans la contemplation du lac.


Puis Markus se leva:

 

« Bouge pas, Lizzie ! Je m’occupe de tout si tu me permets de fouiller dans ta tanière »

Et il revint avec deux flûtes et le champagne, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’il se décida à parler.

 

« J’ai donné mon préavis à l’hôpital, je pars dans trois mois »

« Hein, quoi ? Fit Isild interloquée. Je croyais que tu étais passionné par la pratique hospitalière.

-C’est vrai…Mais, mes parents veulent prendre leur retraite pour profiter un peu de la vie. Et…

-Ils te proposent de leur succéder, c’est ça ?

- Oui. Et puis, il y a des tas d’autres raisons. Tu sais, ce que je fais actuellement n’est guère lucratif…Si un jour je dois me marier et fonder un foyer, ça risque d’être un peu juste aux entournures. Alors, je suis les conseils de mes bons vieux parents. « L’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue…grandement » énonça-t-il d’un ton faussement sentencieux.

 

Elle rit :

 

« Toi marié, et avec charge de famille, je voudrais bien voir ça ! »

 

Et d’un geste taquin, elle lui ébouriffa les cheveux

 

Il la regarda avec une intensité qui la mit mal à l’aise avant d’ajouter :

 

« Lizzie, cela fait maintenant des mois et des mois que nous nous fréquentons et je crois bien… (Il se racla la gorge) hem. Je crois bien que je suis sûr…heu….que je t’aime.

Lizzie-Isild Edeltraut Novak, accepterais tu de m’épouser ? »

 

Et à la manière d’un chevalier d’autrefois, il mit un genou à terre et lui prit doucement la main.

 

Si Lizzie s’était attendue à ça !!!

Elle resta un long moment silencieuse, toute à ses pensées, à ses démons intérieurs.

Et Markus dut prendre sa mine lugubre pour de l’émotion, car il se mit à l’embrasser avec effusion.

Ce fut une véritable douche froide.

 

Lizzie se dégagea de son étreinte et le regarda presque sauvagement.

 

« M’épouser, tu veux m’épouser, Markus ? Mais quelle drôle d’idée. Tu es devenu fou ou quoi ? Je trouve que nous sommes très bien comme nous sommes ; nous avons chacun notre vie et nous nous voyons uniquement lorsque nous en avons envie.

La liberté, Markus, mais que fais-tu de ma liberté ?

Je n’ai absolument aucune intention de me marier, ni avec toi ni avec qui que ce soit d’autre.

Je veux rester maîtresse de ma vie.

C’est non, Markus, définitivement non »

 

Le jeune homme avait pâli pendant la tirade d’Isild.

-Mais, Isild-petite Lizzie, il est temps pour toi aussi de songer à construire ta vie, un foyer, des enfants » protesta-t-il

La jeune femme lui décocha un regard glacial :

 

« Construire un foyer ? Mais ce n’est pas dans mes cordes, je dois d’abord me construire, moi.

Tu as saisi ? ME construire ! Des enfants ? (elle eut un vilain rire) moi, avoir des enfants ? Mais je n’aurai jamais d’enfants, Markus, jamais, jamais, jamais ! »

 

-Mais, pourquoi, Lizzie ? Je suis sûr que tu serais une merveilleuse mère et une merveilleuse épouse…

-Tais-toi ! fit-elle avec une sourde colère. Mais, Markus Schmidt, que sais-tu donc de moi pour te croire autoriser à émettre un tel jugement ? Tu ne me connais pas ! siffla-t-elle.

-Mais, voyons, ma chérie, cela fait presque deux ans que nous nous fréquentons ! je pense donc te connaître un peu. Et puis, nous sommes si bien ensemble, tu ne trouves pas ? »


Isild marcha de long en large sur la terrasse, l’air concentré, le regard farouche, avant de se retourner vers le jeune homme.

 

« Hé non ! Markus ! Tu ne connais presque rien de moi.

Tu connais, je suppose, une petite infirmière qu’on appelle Lizzie, qu’on aime généralement bien. Point !

Mais que sais-tu vraiment de moi ? Rien !

Je suis comme une coquille vide, Markus on ne m’a jamais aimée ni on ne m’a jamais appris à aimer, alors ne viens pas me parler d’amour.

Ta tirade sur « femme et enfants » me donne envie de gerber, oui, de gerber !

Non mais, tu t’imagines peut-être qu’après avoir été couvée par deux vieux communistes desséchés et presque muets, j’ai envie de me retrouver à partager la vie de qui que ce soit ? J’ai grandi comme j’ai pu, Markus, sans amour, dans un monde triste où même la nourriture n’avait pas de saveur.

Un monde dans lequel je n’existais pas. Isild petite souris……Et tu me vois avoir des enfants avec le passé que j’ai ? Hein ? Je ferais quoi avec des enfants ? C’est quoi, d’ailleurs un enfant ? Murmura-t-elle d’une voix sourde ?

C’est quoi l’amour ? Je suis désolée, je n’ai pas ton expérience du bonheur ! Je ne rendrais personne heureux et je serais la première malheureuse !»


 

Elle tourna vers lui un regard de bête traquée, et rentra en pleurs dans la maison.

 

Comme si elle s’enfuyait devant un grave danger, elle courut jusque dans sa chambre, et, en pleurs, se jeta sur le lit.


Qu’est-ce qu’il venait lui casser les pieds, ce balourd, avec sa gentille petite vie bien rangée, bien bourgeoise.

Il voulait quoi ? Une bonniche pour lui préparer ses repas, cirer ses godasses et moucher ses marmots ?

Maintenant, c’était de rage qu’elle pleurait.


La famille ? Elle ricana toute seule.

Elle en avait eu une, ou du moins une étrange association d’êtres dissemblables comme forcés par la nécessité de cohabiter.

Elle grimaça de dégoût : plus jamais ça, même dans un emballage doré comme ce que lui proposait Marcus.

Jamais ! cria-t-elle !


 

Resté sur la terrasse, Markus était songeur : qu’avait-il dit de si épouvantable ? Visiblement, Lizzie n’était pas prête pour le mariage et il se sentait un peu honteux de lui avoir proposé de l’épouser comme on promet monts et merveilles à un enfant intéressé par d’autres merveilles.

Il avait eu tort de s’emballer ! Quel imbécile il faisait ! Il n’avait jamais été question de fiançailles ni de mariage entre eux, et de but en blanc, il jetait ça à la tête de Lizzie que l’idée-même de famille semblait terrifier.

Il se savait un bon parti et n’importe quelle autre fille que Lizzie aurait été heureuse d’accepter…

Mais, justement, Lizzie était Lizzie, un petit être attachant, certes, mais bien plus complexe qu’il n’y paraissait.

 

Il l’entendait pleurer et cela le peinait.

Il rejoignit la jeune femme, s’assit au bord du lit et s’appliqua à la calmer.


 

« Là, ma douce, c’est fini. C’est ton grand imbécile de Markus qui a sérieusement déconné.

Je te demande pardon, je ne voulais ni te blesser, ni te rappeler de mauvais souvenirs ; oublions ma proposition idiote, tu veux ?»

 

Lizzie leva vers lui un regard encore humide, mais parvint à esquisser un pauvre petit sourire.


 

« Tu es un triple idiot, Markus Schmidt, un quadruple idiot, même.

Je vais essayer d’oublier ton offre totalement déplacée, mais je te garantis que si tu t’avises de recommencer, tu le regretteras amèrement. »

 

Elle ajouta, presque rêveusement :


 

« N’oublie jamais cela, Markus : toi et moi, cela fait « toi plus moi », cela ne fera jamais « nous ». Je ne ferai jamais partie d’un « nous ».

Compris ? »

 

Markus acquiesça : il avait parfaitement compris.

Pour le moment du moins, Lizzie souhaitait farouchement garder son indépendance.

Bah ! se dit-il, nous avons toute la vie devant nous !

 

 

Finalement, la soirée s’acheva mieux qu’elle n’avait commencé. Isild retrouva son calme et même sa bonne humeur, puis accepta de suivre Markus à l’Auberge des Glycines.


Le repas, écrevisses à la nage, brochet, assortiment de desserts exquis, le tout arrosé d’un bon vin, firent vite oublier aux jeunes gens  la scène pénible qui s’était déroulée peu de temps auparavant.

 

Et ce fut bien éméchés qu’ils rentèrent chez Isild.

La tension nerveuse accumulée avait disparu et ils passèrent le reste de la nuit à faire l’amour. Passionnément, se raccrochant l’un à l’autre comme deux naufragés dans la tourmente.

 

Toutefois, les jours suivants, Isild se sentit assez mal dans sa peau.

Parler mariage, famille, enfants, l’avait déstabilisée.

 

Avait-elle seulement connu l’enfance ? Elle ne se souvenait même pas avoir reçu le moindre jouet, la moindre poupée.

Elle n’avait jamais connu les joies de la famille : pas de grands-parents, ni d’oncles, tantes, cousins.

Non, juste ce couple âgé qui lui parlait du bout des lèvres.

Elle avait passé son enfance entre l’école et sa chambre, avec des livres pour seules distractions.


 

Et ses parents, si vieux, blafards, incolores même, ne s’étaient guère intéressés à elle. Du moment qu’elle obéissait et se taisait, ils étaient satisfaits.


 

Ils ne l’aimaient pas, et c’était réciproque : on arrivait tout juste à se supporter chez les Novak. Alors, l’amour, les joies de la famille, à part un piège, elle ne voyait vraiment pas ce que ce pouvait être.

 

A  l’adolescence, certaines pensées l’avaient tourmentée, puis écœurée jusqu’à la nausée : ces êtres falots et sans beauté, il avait bien fallu qu’ils copulent pour qu’elle vienne au monde.

Et cette idée l’avait longtemps torturée et dégoûtée.


Mais la vie avait continué, t elle bénissait ses études d’infirmière, la chute du Mur, et même le décès de ces cancrelats qui lui avaient tenu lieu de parents.

 

Et maintenant qu’elle était à l’Ouest, du bon côté, elle ne se laisserait pas attraper comme les poissons dans la nasse.

Elle était libre, heureuse à sa façon, elle n’allait certainement pas renoncer à ses projets à venir pour une bague au doigt et une vie médiocre de bourgeoise asservie à un seigneur et maître !

 

 

 

 

 

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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 07:49

1. Isild et le monde gris, Lizzie et la vie








  Née en 1970 à Berlin Est, Isild Edeltraut Novak avait eu l'impression de grandir et d'évoluer dans un monde gris, sans couleurs ni fantaisie, élevée par des parents âgés et sans joie.

Petits employés besogneux, ils l'avaient éduquée correctement, mais sans vraie passion ni affection.

Et enfant unique, peu liante, Isild avait appris à se conformer à ce que l'on attendait d'elle, sans plus.


Pas très grande pour une Allemande de l'Est, menue, peu loquace, la jeune fille n'était pas de celles qu'on remarquait.

Elle était pourtant plutôt jolie, mais encore fallait-il que l'on s'en aperçût.


Et Isild ne faisait rien pour se mettre en avant.


Moyenne en tout, elle obtenait des scores corrects partout, tant dans le domaine scolaire que dans les inévitables compétitions sportives spécifiques au régime politique en place.


Elle opta pour des études d'infirmière, qu'elle termina au moment-même où l'on assistait à la chute du Mur de Berlin.


Elle ressentit, pour la première fois, de l'exaltation : ainsi, l'Allemagne allait être réunifiée, et elle pourrait aller travailler dans l'AUTRE Allemagne; là-bas où les gens riaient, vivaient, chantaient autre chose que des chants partisans.


Elle avait quitté le domicile de ses parents avant la chute du Mur, et s'était contentée d'un minable réduit en guise de chambre.

Et peu lui importait: là, au moins, elle se sentait libre, elle-même.


Jusque là, elle s'était sentie petite souris grise dans une ville grise au milieu d'un monde gris, encore plus sombre que le Mur lui-même.


« Isild, petite souris » se disait-elle souvent en songeant à la vie qu'elle menait avant 1989.


Et ses rares amis, les quelques confidents auxquels elle faisait part de sa vision pessimiste de sa vie en Allemagne de l'Est, lui avaient bricolé une petite comptine:


« Isild petite souris

Trotte-menu dans ton monde gris

Lizzie jolie souris

Tu auras des ailes

Dans le bleu du ciel »



Son prénom avait vite été transformé en Lizzie par ces quelques familiers, qui partagèrent avec elle la joie des premières virées et des premières cuites à l'Ouest.


Et puis, son diplôme d'infirmière, oh miracle, lui permettrait de s'échapper à sa « prison natale »


Elle fit mille démarches et finit par trouver un poste d'infirmière débutante dans une délicieuse contrée du sud de l'Allemagne: la région du Bodensee (Lac de Constance) au sud de la Forêt noire.


Elle rassembla rapidement ses maigres affaires, embrassa tout aussi rapidement ses parents, et s'en alla sans se retourner...


Enfin libre!


Elle s'installa dans un joli studio loué par l'hôpital qui l'avait embauchée dans un service de cardiologie.



Et Isild, s'appliqua tant et si bien à rendre sa nouvelle vie agréable qu'elle fut bientôt appréciée par tous ceux qui la côtoyaient à l'hôpital, et pour une fois, elle eut de vrais amis, de vraies joies, de vrais rires: la vie, quoi!



Elle nageait en pleine euphorie lorsqu'elle apprit le décès accidentel de ses parents.

Un aller retour à Berlin, une brève cérémonie et elle hérita d'un joli pécule qui lui permettrait d'envisager la vie sous de meilleurs auspices.



A Constance, tout le monde chercha à consoler cette malheureuse jeune fille, si tôt privée de ses parents.


Isild (maintenant appelée Lizzie) souriait tristement et remerciait, mais, au fond d'elle-même, nul chagrin: ses parents ne lui avaient jamais témoigné d'amour, et elle se sentait le cœur et les yeux complètement secs.


                                         *


Isild petite souris s'acclimata avec bonheur à cette riante région du sud de l'Allemagne, et, de renoncements en dévouements se fit un joli petit trou dans le fromage qu'était l'hôpital pour ses ambitions.

Au bout de 5 ans, elle était déjà infirmière-chef, et tout le monde l'adorait, soignants comme patients.


Sa vie était réglée comme du papier à musique.

Pendant la semaine, elle était l'infirmière Lizzie, toujours dévouée, disponible, zélée, même.

Elle prenait soin d'elle désormais et terminait toujours sa journée par une longue séance de natation à la piscine de la Sport halle, ce qui lui avait donné un corps délicieusement ferme et attirant.

Ses cheveux, naturellement blonds cendrés étaient éclairés, illuminés même, par des mèches presque blanches, comme celles qu'ont les enfants blonds après quelques expositions au soleil.

Et elle avait appris à maquiller ses yeux bleus de façon à accentuer leur côté slave.

Et Isild petite souris grise du gris Berlin était devenue la ravissante Lizzie de Constance, au teint toujours hâlé par sa pratique de la voile sur le lac.


Des conquêtes masculines? Oh, ce n'était pas ça qui manquait, mais Lizzie ne s'attachait pas, ne pouvait pas s'attacher.

Était-ce sa jeunesse sans amour qui lui avait desséché le cœur? Sans doute.



Elle sortait alors avec le beau Docteur Markus Schmidt et, si elle adorait sa compagnie (il était tendre et plein d'humour), elle ne souhaitait pas autre chose que partager un peu de son temps libre avec lui.


Isild avait le sentiment qu'elle était comme double: Lizzie croquait la vie à pleines dents, mais Isild dormait toujours au fond d'elle et freinait sans cesse ses émotions.

Isild était enfin libre et voulait le rester.


Pas d'attache! Murmurait la petite souris.


Et Lizzie ne s'attachait donc à rien ni à personne.



Elle avait une vie facile, un bon salaire, un peu d'argent, et son héritage auquel elle n'avait pas touché, faisait des petits.


Elle n'avait pas quitté son studio des débuts, mais l'avait simplement mais joliment aménagé.

Et, économisant sou après sou, en bonne petite souris de l'Est, peu habituée à l'opulence, elle s'était même offert un adorable cabriolet Ford, blanc avec une capote blanche.

Cette voiture était pour elle son luxe suprême, et elle adorait la conduire, cheveux au vent, sur les routes à peine sinueuses des douces montagnes de Forêt Noire.


Parfois, elle se contentait de flâner le long du lac de Constance, ces routes roses bordées de maisons fleuries qui était un véritable enchantement pour les yeux.

Et parfois, elle remontait vers le Titisee, un petit lac, plus au nord, plus sauvage, bordé de merveilleux arbres séculaires.


Isild était donc aussi heureuse qu'elle pouvait l'être.




Elle avait 27 ans lorsqu'on lui proposa un poste plus qu'intéressant à la Clinique des Oiseaux, un établissement de luxe situé dans un écrin de verdure au bord du lac.

Elle y serait responsable de tout le pool infirmier du service de cardiologie.


Ses états de services, sa grâce, sa réserve lui valurent la sympathie immédiate du directeur de la clinique, un petit homme raffiné dont l'affabilité ne parvenait pas à cacher l'autorité.


« Main de fer dans gant de velours » se dit immédiatement Isild.


«  Inhabituel, votre prénom! » s'exclama Herr Ziegler, alors qu'il prenait des notes afin de rédiger son contrat de travail.


« Vos parents devaient aimer la poésie, dit-il rêveusement. Isild, Isold, Iseut...Et vous dites qu'on vous appelle plutôt Lizzie.

Oui, Lizzie, plus facile à prononcer pour les rustres du sud que nous sommes.

Vous serez donc la Nurse Lizzie Novak dans notre clinique.

Nos patients viennent de tout le pays pour la qualité des soins que dispense cette clinique et aussi pour le cadre luxueux que nous leur procurons ici.

Et ils n'aiment pas trop penser qu'ils sont malades, aussi le terme « Nurse » leur convient-il mieux que le mot « Infirmière ».

Vous saisissez, mon petit? »


Isild acquiesça et se laissa entraîner dans la visite des locaux.

Que des chambres individuelles avec terrasse et vue sur le lac, et même de véritables suites pour les patients très fortunés.


N'eût été cette odeur d'éther et de d'antiseptique, propre à tous les établissements hospitaliers, on eût pu se croire dans quelque résidence de vacances pour milliardaires.




Ce fut donc sans regret qu'Isild quitta l'hôpital de Constance et son modeste studio.

Elle emménagea dans une ravissante maison au bord du lac, maison dont la location était prise en charge par la clinique.


Le soir, elle prit l'habitude de se promener au bord du lac, munie d'un sac de pain qui attirait à elle tous les cygnes et les colverts des environs.

Elle s'asseyait souvent sur un banc, face au lac, et dînait d'un sandwich et d'une tarte aux airelles tout en regardant le soleil se coucher sur les flots calmes.


Elle ressentait alors une grande impression de paix, et il lui semblait, qu'à défaut de savoir communiquer avec les hommes, elle communiait totalement avec la nature.








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4 décembre 2008 4 04 /12 /décembre /2008 07:27
Allez, je vais mettre en ligne quelques chapitres de mon thriller: "Les cauchemar d'Isild"!

*

Pour(re) lire le prologue, c'est

ICI    


ICI


et   ICI


Ce qui est embêtant sur OB, c'est qu'il faut plusieurs articles pour publier un seul chapitre!


Bon, c'est parti, le 1° chapitre arrive!

Bonne journée
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6 octobre 2008 1 06 /10 /octobre /2008 10:37
Et me voici taguée par Marie!

Le but de ce tag est de connaître les lectures des un(e)s et des autres.
Mode d'emploi:

Voici le réglement :

- citer la personne qui nous a tagué
- indiquer le réglement ici présent
- choisir un livre et l'ouvrir à la page 123
- recopier à partir de la 5ème ligne, les 5 lignes suivantes
- indiquer le titre du livre, le nom de l'auteur, l'éditeur et l'année de parution
- taguer 4 bloggers dont vous souhaitez connaître les lectures
- les avertir en postant un com' sur leurs blogs respectifs.

Je passe donc le relais à :

Cerisette

Cannelle 56

Lilou

ZD83


Je viens de finir

Disparition


de Martha Grimes, publié en France chez pocket en 2008



Martha Grimes, romancière américaine, fait partie du club des reines du polar anglo-saxon.
Elle situe tous ses romans en Angleterre, et a pour héros récurrents: Melrose Plant, riche aristocrate décontracté, et son ami le commissaire Jury, policier séduisant et perspicace.

Disparition se déroule dans le monde hippique: élevage et courses de chevaux.
La  jeune Nell, 15 ans, a mystérieusement disparu depuis 2 ans.
A la demande de son père, Jury et plant enquêtent officieusement.


p.123:


"Stardust et elle s'arrêtèrent à mi-chemin pour que la jument puisse se reposer une petite heure. L'endroit était trop loin pour s'y rendre d'une traite, c'eût été épuisant pour le cheval.Dans l'après-midi, elle avait pris du foin dans la grange de Hobbs."




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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 08:36

 

                                           *

 

 

Lorsqu’elle se réveilla, elle hurlait encore, en proie à une terreur extrême, ruisselante de sueur, le visage baigné de larmes.

 

Elle mit quelques minutes à réaliser qu’elle n’était plus dans l’horrible petite chambre, mais dans sa suite confortable du Resort de luxe Casa Del Mar à Punta Cana, République dominicaine.

 

Elle sauta à bas du lit et se prit la tête entre les mains:

 

« Encore un de ces foutus cauchemars! Mais ça n’en finira donc jamais! »

Elle regarda l’heure à sa montre Cartier : Deux heures du matin!

Trop tôt pour demander un petit déjeuner au room service.

 

En vacillant, elle se dirigea vers le minibar, et se servit un scotch bien tassé, et puis un autre.

Il fallait bien ça pour apaiser les palpitations de son cœur affolé!

Et puis encore un autre!

 

« Tu bois trop, ma fille! » s’entendit-elle dire à haute voix.

 

Et elle haussa les épaules : ce n’était qu’une mauvaise passe, bientôt elle irait mieux.

Et ces cauchemars cesseraient de la hanter.

 

 

Elle était riche à présent, très riche, et donc puissante.

 

Il y avait juste cet imbécile d’Oscar, qui, avec ses états d’âme dépressifs, lui donnait quelques inquiétudes.

Ce pauvre type était parfois sur le point de craquer, et il lui fallait faire preuve de beaucoup de patience avec lui. Mais, de la patience, elle en avait toujours eu à revendre !

 

Elle sourit à son reflet dans un miroir:

 

Non, ce n’était pas un imbécile comme Oscar Kramer qui gâcherait tout !

 

Elle y mettrait bon ordre.

 

Déjà, elle allait lui ordonner de la rejoindre ici à Punta Cana, et on verrait …

 

 

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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 08:32




Et toi, petite Isild de Berlin Est, voilà que tu m’as trahie, et pas qu’un peu!

Tu comprends donc aisément que tu ne vas pas t’en tirer comme ça! Ni même t’en tirer tout court!  »

 

Isild tenta de protester, mais aucun son ne parvenait à franchir ses lèvres.

 

Liv se détourna d’elle un moment, ce qui lui donna le loisir d’observer la chambre miteuse dans laquelle elle se trouvait.

La peinture des murs s’écaillait et de vilaines taches d’humidité couraient çà et là.

Et, au plafond, une ampoule électrique blanche, aveuglante, accentuait son malaise.

Elle avait la vue trouble depuis la tentative d’étranglement dont elle venait d’être victime, sa tête semblait percée de mille vrilles et sa gorge lui paraissait incandescente.

Et cette lumière qui lui tombait droit dans les yeux l’affolait, l’empêchait de se concentrer: elle revoyait ces films où des tortionnaires de la Stasi s’acharnaient sur leurs prisonniers en leur braquant une lumière affreusement crue en plein visage.

 

Liv avait quitté la pièce et elle l’entendait qui s’activait à côté, tout en jurant furieusement.

 

Elle essaya de deviner où elle se trouvait, en vain.

La minuscule chambre où Liv la retenait prisonnière ressemblait étrangement au réduit qu’elle avait eu pour chambre à Berlin pendant ses études d’infirmière.

« Sordide! »Se surprit-elle à penser, comme si cela avait une quelconque importance.

Elle essayait vainement de comprendre ce que Liv lui reprochait, et pourquoi elle se montrait si cruelle. Mais son cerveau, sans doute embrumé par une drogue quelconque, ne répondait pas.

 

 

Quelques instants plus tard, la grosse femme revint à ses côtés, s’assit sur le lit, et avec un étrange sourire, un peu triste, lui sembla-t-il, lui montra une seringue.

 

« Finalement, Is, tu ne mérites pas que je me fatigue à te faire souffrir.

Tu vois cette seringue…

Tu es infirmière, très chère, et tu as remarqué qu’elle est vide.

Il me suffit de t’injecter une minuscule bulle d’air et tu passeras de vie à trépas d’ici peu…

 

-Non! Je t’en supplie! Je ne veux pas mourir, Liv! Pitié! » Parvint-elle à articuler d’une voix faible.

 

Un éclat de rire dément lui répondit et Liv piqua.

 

« Voilà qui est fait, chère Isild! Nous allons maintenant nous dire adieu, car cette petite bulle d’air court dans tes veines et va bientôt arriver au cœur.

Plus rien ne peut plus te sauver, petite Isild ! »

 

Liv approcha son visage bouffi et rubicond du fin visage de sa prisonnière, et son regard dément, son rictus féroce épouvantèrent Isild encore plus que l’idée de sa mort imminente.

 

 

Elle hurla, hurla, comme un fauve pris au piège.

 

Liv disparut de son champ de vision et elle perdit connaissance.

 

 

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26 août 2008 2 26 /08 /août /2008 08:26

Les cauchemars d’Isild

 

(Thriller)

 

 

 

Prologue

 

 

 

 

 

Liv  avait les yeux fous et observait Isild avec une expression de dégoût indicible.

 

« Salope! Siffla-t-elle entre ses dents! Tu es la plus grande salope que la terre ait portée! »

 

Sa main grassouillette semblait une poigne de fer autour du cou menu de la mince Isild.

Et elle serrait de plus en plus fort; Isild commençait à suffoquer, éperdue de terreur.

 

Liv lui cracha à la face et son visage habituellement aimable et rieur était convulsé, et sa bouche se tordait en une hideuse grimace:

Elle  criait maintenant et ses yeux bleus brillaient d’une haine inouïe.

 

« Tu vas me le payer, Isild Edeltraut, ah ça oui, tu vas me le payer! »

 

Isild ne pouvait bouger tant la poigne de la forte femme la maintenait fermement sur l’étroit lit de sa petite chambre.

Elle ne parvenait pas à opposer la plus petite résistance, et la main de Liv lui enserrait la gorge comme l’aurait fait un monstrueux étau.

 

-Arrête, Liv, je vais tout t’expliquer,  parvint-elle à bredouiller.

C’est Oscar qui voulait… »

-Bien sûr, ma chérie! C’est-ce gros porc d’Oscar, et toi tu es innocente comme l’agneau qui vient de naître!!! »

 

Un gargouillis lui répondit : Isild étouffait, et la grosse femme accentua encore sa pression, puis, en riant, rejeta la jeune femme sur le lit.

 

-Non, ma chérie…Tu ne vas pas mourir, pas tout de suite, du moins. »

 

Et elle éclata d’un rire strident.

 

Isild se rendit compte qu’elle était solidement attachée au lit et qu’elle n’avait vraiment aucun moyen d’échapper à la folie meurtrière de celle qui, il y a peu, était encore sa bienfaitrice et son amie.

 

 

Cette dernière continuait à vociférer, lâchant des bordées d’insanités où il était question de ce « vieux vicelard d’Oscar » et de cette « petite pute d’Isild » qui s’étaient ligués contre elle, et qui, non contents de faire « mille saloperies dans son dos », s’étaient mis en tête de la supprimer.

 

La supprimer, elle, Olivia Kramer…

C’était tellement ridicule qu’elle en aurait pleuré de rire, si « ces deux salopards » n’avaient pas été les êtres qu’elle chérissait le plus au monde.

 

Elle sembla réfléchir, et, retrouvant son langage habituellement châtié, se tourna vers son amie:

 

 

- Vois-tu, très chère, je suis considérée comme quelqu’un d’aimable, de gentil, et même comme une personne foncièrement bonne.

D’ailleurs, n’es-tu pas bien placée pour le savoir, hein?

Mais voilà, il y a une chose que je ne pardonnerai jamais à quiconque, c’est la trahison.

Et toi, petite Isild de Berlin Est, voilà que tu m’as trahie, et pas qu’un peu!

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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 16:51

2.    Maman, le retour...

 

 

 

Maman rentre donc à la maison ! C’est vrai qu’elle semble aller mieux : son regard a retrouvé une certaine vivacité et ses gestes aussi. Elle paraît même heureuse de retrouver ses enfants, car elle les embrasse affectueusement et leur adresse même quelques mots gentils.

Ça ne va pas durer, se dit Anna. Elle est toujours comme ça quand elle ne nous pas vu pendant un bon moment, et après, ça repart comme en 40 !

Le repas et la soirée se déroulent paisiblement, Papa et Maman discutent, Anna et Claude jouent aux « Mille bornes ».

Mais, déception, lorsque les enfants vont se coucher, Papa les embrasse distraitement, et Maman, n’en parlons même pas.

Dans sa chambre, Anna ne peut s’empêcher de donner un grand coup de pied à un nounours qui traîne par terre : elle est rouge de colère.

Évidemment, maintenant que sa « douce aimée » est revenue, Papa ne fait même plus attention à eux. Il n’y en a plus que pour la vieille sorcière !

Elle en pleurerait de rage et de frustration !

Pourtant, le lendemain matin, Papa n’a pas oublié le super petit déjeuner, et a retrouvé son attitude de père aimant.

Anna, qui, décidément, a envie de faire du mauvais esprit se dit :

-C’est parce qu’elle dort, l’autre folle ! Alors là, on existe !

Elle n’a pas vraiment tort, car le soir, après le lycée, lorsque Claude et Anna prennent leur goûter, Maman sort ses premières piques :


 

-Vous êtes priés de nettoyer vos saletés ! Je veux une cuisine propre ! Ce n’est pas trop vous demander, j’espère ?

Et Papa de renchérir :

- Maman a raison, les enfants, soyez plus ordonnés !

Et, lorsqu’ils s’avisent de jouer aux fléchettes dans la chambre de Claude, Maman se fâche :

-Allez-vous enfin comprendre que j’ai besoin de repos et de calme, moi ? Arrêtez-moi ce jeu idiot immédiatement ! »

Et elle repart en claquant la porte avec violence.

Les deux enfants se regardent, déconfits.

-On dirait qu’elle a repris des forces, la chameau ! déplore Anna

-Ouais...ça va encore recommencer !

-P’êt pas comme avant, quand même, car on dirait bien qu’elle ne picole plus...

-Ça va pas durer » fait Claude, désabusé.

 

La sobriété de Maman dure quand même presque une semaine : Un record, se dit Anna !

Et un beau soir, elle retrouve sa mère dans la cuisine, un verre de porto devant elle sur la table...

Ainsi, on reprend les mêmes et on recommence les mêmes conneries, se dit-elle.

La grossièreté est rare chez Anna, mais de temps en temps, quand elle est en colère, elle trouve les mots grossiers plus parlants que les mots corrects.

                                                          *

Lorsque Papa rentre, l’ambiance est lourde, très lourde, dans la maison.

Maman a lavé son verre et caché son Porto, mais ses yeux verts brillent d’une lueur étrange, ce qui n’échappe pas à l’œil acéré de Papa.

Et ce silence dans les chambres des enfants ne lui dit rien qui vaille !

Il prend le parti de la légèreté en s’adressant à « sa douce aimée » :

« Ta journée s’est bien passée, ma douce ?

-Oui balbutie-t-elle...Jusqu’à l’arrivée de tes gosses. Ils sont punis dans leurs chambres à cause du bruit insupportable qu’ils font.

-Tu es certaine que tu n’as rien bu ? Tu as une élocution bizarre ! ose Papa

-Je n’ai pas une élocution bizarre, je suis fatiguée à cause de tes sales gosses ! »

 

Papa n’insiste pas : il est moins aveugle désormais et ne croit plus Maman sur parole.

 

Il se rend d’abord dans la chambre de Claude, et le trouve en pleurs, les joues rouges, les cheveux singulièrement décoiffés.

Il apprend bientôt que sa « douce » est entrée comme une furie dans la chambre de Claude, parce que les deux enfants y jouaient aux fléchettes...et qu’elle les a frappés, leur a tiré les cheveux...

Il console le petit et va maintenant voir Anna.

Anna ne pleure pas, mais elle aussi a les joues rouges, et elle semble perdue dans ses pensées, elle est ailleurs et son visage est étrangement fermé.

« Anna ? C’est Papa !

Anna semble revenir de très loin et jette à son père un regard désespéré qui le glace.

-Que s’est-il passé avec Maman ?

-Oh ! Elle s’est juste remise au Porto, et puis, d’un coup, elle est venue nous trouver en hurlant et nous a battus. Et comme j’en avais marre, mais vraiment marre, je l’ai traitée d’ivrognesse, alors j’ai eu le droit à du rab de coups et d’injures ! Je suppose que c’est encore de ma faute ! »

 

Papa s’assied sur le lit d’Anna et prend la petite dans ses bras, la console.

Mais le regard d’Anna demeure étrangement distant.

Maman choisit justement ce moment pour faire irruption dans la chambre d’Anna :

-Je vois ! Ta fille m’insulte et tu la consoles ! Bravo ! »

 

Et elle repart en claquant la porte à toute volée.

Papa la suit et une explication houleuse se fait entendre depuis la cuisine.

Cette fois, Maman a beau pleurer et jouer les petites filles, Papa garde un ton coupant.

Maman finit par se taire.

Et bien sûr, Maman n’a rien préparé à manger et c’est donc Papa qui accomplit toutes les corvées.

Le repas est terriblement silencieux.

Anna arrive à peine à picorer deux ou trois petites choses dans son assiette.

Sa mère la fixe de son regard mauvais, ce regard très vert qui donne froid dans le dos à la petite fille : là, Maman ressemble à une vipère prête à mordre...

Ce regard ! Des yeux qui pourraient être beaux et qui deviennent effrayants de cruauté.

Anna demande la permission de quitter la table : elle ne peut rien avaler, a envie de vomir.

Elle fait sa toilette, puis se couche, mais auparavant, elle a fouillé dans la trousse de toilette de Papa et a prélevé une lame de rasoir d’un paquet neuf, qu’elle a refermé soigneusement : il n’y verra que du feu.

Elle a éteint la lumière, et pris ses poupées préférées dans ses bras, et elle pleure.

Elle ne veut pas continuer à vivre avec une mère pareille !

Mais, aura-t-elle le courage de se trancher les poignets ?

D’abord, mentalement, elle dit adieu à ceux qui l’aiment, demande pardon, pleure de désespoir.

Elle n’en peut plus : elle en a trop vu, cette année, et cette folle qui lui tient lieu de mère lui brise le cœur.

Lorsque tout le monde est couché et que le silence complet règne dans la maison, Anna rallume la lumière et prend la lame de rasoir.

D’abord, une petite entaille, juste pour voir : ça fait à peine mal...

Alors, d’un geste résolu, Anna fait pénétrer la lame le plus profond qu’elle peut dans un poignet, et le sang se met à couler abondamment.

Ne faiblissons pas ! A l’autre poignet, maintenant.

Anna s’allonge et regarde son sang couler.

Elle ferme les yeux, et attend la mort, la délivrance !

 

Elle glisse bientôt dans un étrange sommeil.

 

 

                                      * * *

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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 16:36
2. Papa aurait-il changé ?

 

 

 

Le lendemain matin, Papa se lève avant tout le monde, va chercher des croissants, presse des oranges, et lorsqu’il va réveiller Anna, celle-ci sent l’odeur des croissants que Papa a réchauffés :


-Il y a des croissants ? fait-elle, éberluée.

Il y a si longtemps que Papa n’était plus allé chercher les croissants du petit matin !

-Oui ! E t ils n’attendent que le bon vouloir de ma princesse !

Anna saute du lit et se précipite dans la cuisine, bientôt rejointe par Claude et Papa.

Un grand verre de jus d’orange, et l’on a le droit de mordre dans les croissants ! Quel délice ! Anna, qui, d’ordinaire, ne déjeune pas, a une faim de loup. Il y a aussi de bonnes madeleines, les céréales qu’elle aime...Elle mange comme quatre et Claude fait de même.

La mine réjouie de ses enfants réchauffe le cœur de Papa.

Et ils sont d’autant plus radieux que Maman, assommée par ses médicaments, dort encore à poings fermés.


 

- Merci pour tout ça, Papa, déclare Anna avec un large sourire.

- Merci Papa, renchérit Claude, c’était drôlement bon ! Miam !

-Je pensais que cela vous plairait, répond Papa dont les yeux pétillent.

Les enfants sont tout de même surpris de ce soudain traitement de faveur : Papa redeviendrait-il un adulte sensé et un père aimant ?

Anna, trop souvent échaudée, reste dubitative, perplexe : depuis hier soir, Papa a changé : qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Et surtout, est-ce que ça va durer ?

Il n’empêche qu’elle arrive au lycée en pleine forme et avec un mental d’acier, ce qui ne s’était pas produit depuis des lustres.

Et même à l’étude du midi, surveillée par Calamity, elle n’a cure des regards féroces dont la pionne ne cesse de la gratifier.

En son for intérieur elle s’adresse à CJ :

« Si tu savais comme tes regards me glissent dessus ! Vas-y, défoule-toi, peau de vache ! Si ça peut te rendre moins cinglée ! »

 

Calamity se rend bien compte qu’Anna soutient ses regards malveillants et qu’elle a l’air de s’en moquer. Aussi s’approche-t-elle d’Anna, l’air mauvais :

-On ne t’a jamais dit que c’était impoli de regarder les adultes comme tu le fais, en les fixant droit dans les yeux ?

- Je suis désolée, Mademoiselle, fait Anna d’une voix atone ; vous ne cessiez de me regarder, je vous ai donc regardée à mon tour. Je ne vois pas ce que j’ai fait de mal !


 

-Toujours aussi insolente ! grommelle Calamity en s’éloignant d’Anna.

Mais elle n’ose plus attaquer la petite de front !

 

Au réfectoire, Anna retrouve ses grands amis du Club théâtre, et les grandes discussions sur Garcia Lorca et Brecht.

Et puis, Philippe, le préféré d’Anna (un vieux de 19 ans), commence à se plaindre d’un devoir à rendre sur L’Émile de Rousseau. Et Anna qui l’a lu, avec l’aide et les commentaires de Papa, se met tout naturellement à discuter de la conception qu’avait Rousseau de l’éducation, établit des parallèles avec le Télémaque de Fénelon...

La tablée est médusée et des applaudissements retentissent.

Anna rougit et explique qu’elle n’a aucun mérite, puisque c’est son père qui lui a fait lire L’Émile et lui a tout expliqué !

-N’empêche, répond Philippe, tu as sacrément bien compris !!!

- Anna est trop modeste ! Ajoute Céline, la « fiancée » de Philippe.

Pourtant, Anna s’en veut d’avoir, involontairement, étalé sa science : elle ne voudrait quand même pas passer à nouveau pour un « bébé prodige », surtout auprès de ses nouveaux amis !

Mais ceux ci l’ont, en quelque sorte, pris sous leur aile et ont un peu oublié qu’elle était si jeune.

Tant mieux !

L’après-midi se passe tranquillement : deux heures de Latin avec Mademoiselle Kerspern, c’est un véritable enchantement.

Anna adore cette langue logique et structurée, et adore également Mademoiselle Kerspern.

Et pour finir la journée, c’est une heure de musique avec Mademoiselle Moretti, et ça, c’est génial.

Anna se met souvent au piano à ce cours, ainsi, Mademoiselle Moretti peut-elle vérifier si les élèves réussissent ou non leur dictée musicale.

Et après, on chante !

Aujourd’hui, il s’agit d’une chanson russe qu’Anna adore : Kalinka.

Et en plus, ils l’apprennent en Russe.

Lorsqu’elle chante cette chanson, Anna a la chair de poule et a l’impression que tout vibre en elle, que la plus petite parcelle de son corps est à l’unisson de cette chanson.

 

Le cours de musique terminé, elle passe chercher Claude et ils commentent abondamment le merveilleux petit-déjeuner de ce matin.

 

-Tu trouves pas ça louche ? Fait Claude. Ça fait longtemps que Papa ne s’est pas occupé de nous comme ça. Je trouve ça bizarre !

-Moi aussi ! Et tu sais, hier soir, quand il est rentré du club, au lieu de m’enguirlander parce que je lisais encore, il a été tout doux, tout.Ça doit bien cacher quelque chose !

-De toute façon, on va bien voir comment est la « matouse » (nouveau mot dans le vocabulaire de Claude) ce soir !

-Mouais, fait Anna ; elle, ça m’étonnerait qu’elle ait changé ! »

Quand ils arrivent à la maison, ils ont la surprise de voir que Papa est là et que Maman, toujours décatie, droguée, n’a cependant pas l’air d’avoir trop bu.

Elle annone quelques mots à l’intention des enfants, qui font mine de comprendre la bouillie qui lui sort de la bouche, et lui adressent un sourire de commande, et se sauvent dans leur chambre pour l’éviter.

Il y a bien des moments où ils la détestent franchement, mais le spectacle de sa déchéance leur fait horreur.

Papa, au dîner, se montre plein d’entrain avec Claude et Anna, et parle, parle...à vrai dire, ils n’ont plus l’habitude et, tant de paroles, ça les saoule un peu.

Il essaie d’entraîner Maman dans la discussion, mais n’obtient d’elle que des onomatopées et des regards idiots !

Les enfants sont même autorisés à faire une partie de Monopoly avant d’aller se coucher : décidément ! C’est Byzance ! Songe Anna !

Et le lendemain matin, et les jours suivants, Papa renouvelle le luxe du super petit- déjeuner !

De plus, il semble laisser tomber la surveillance des travaux de la maison neuve, et reste à la maison tous les soirs.

C’est ainsi que, petit à petit, les enfants réapprennent à faire confiance à leur père.

Mais, avec la « Matouse » ( Anna a aussi adopté ce néologisme claudien), si les crises de folie ont cessé, ça ne va guère mieux.

Elle semble de plus en plus abrutie, arrive à peine à articuler trois mots, se laisse totalement aller : s’habille mal, mange salement ; un vrai porc !


-Elle me débecte, fait Claude, un soir !

-Elle est répugnante, répond Anna, et en plus, elle a l’air de plus en plus débile ! Heureusement qu’elle ne sort pas : t’imagines la honte !

-On dirait l’idiote du village, maintenant ! t’as vu sa tronche ?

-Ben oui, comme toi ! Bien obligée ! Si elle était invisible, ça m’arrangerait. Berk ! Elle est horrible

-Chut ! voilà Papa !  »

Papa arrive tout guilleret :


-Ça va, les enfants ? Vous avez terminé vos devoirs ?

-Oui, Papa ! répondent-ils d’une seule voix.

-Bon ! J’ai à vous parler. Votre pauvre Maman ne va pas mieux... Aussi, la semaine prochaine, va-t-elle devoir retourner et rester au Tromeur au moins un mois.

Malheureusement, cette fois-ci, nous n’aurons pas le droit de lui rendre visite ! »

 

Papa est sincèrement chagriné, mais pas les enfants ! Ceux-ci doivent au contraire s’empêcher de sauter de joie : quoi, un mois sans la méchante folle alcoolique et droguée, mais c’est le paradis !

Connaissant leur père, ils sont bien obligés de feindre la compassion et la tristesse, c’est hypocrite, mais, comme dit l’adage :

« Comme on connaît ses saints, on les adore »

 

Le lundi, Papa conduit Maman à la Clinique du Tromeur, et ce, pour le plus grand soulagement des enfants.

 

C’en est fini des angoisses et des cris du soir !

« Mais, qu’est-ce qu’on va être bien sans elle ! » se réjouit Anna.

Et effectivement, ils passent des jours enchanteurs et enchantés avec Papa, qui les dorlote, les sort, joue avec eux.

Un mois de pure félicité !

Mais, comme les meilleures choses ont une fin, dit-on, Papa leur annonce que Maman rentrera dans trois jours, et que, d’après le psychiatre elle va beaucoup mieux !

Il est tellement heureux de retrouver sa « douce aimée », comme il dit souvent (ce qui fait bien rire Claude et Anna : aimée, peut-être, mais douce ! qu’est-ce qu’on rigole dans cette maison !)

-Et c’est fini la belle vie ! déclare Anna à Claude, lorsque Papa est parti.

-Rien qu’à l’idée de « la » revoir, j’ai la trouille ! répond le petit.

-Et moi donc !

-J’espère que Papa ne va pas redevenir méchant comme avant...

-Mais non, mon Cloclo ! Lui, il a changé et c’est pas une girouette ! »

Cette nuit-là, les deux enfants dorment dans la même chambre : ça y est, cette vilaine bête, l’angoisse, est revenue leur pincer le cœur !

 

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30 avril 2008 3 30 /04 /avril /2008 16:32

XI. Les adultes sont-ils des gens sensés et responsables ?

 

1.    Entre adultes

 

 

 

Comme tous les mardis et vendredis soirs, Papa se rend à son « Club », le lieu où les membres de l’Éducation nationale se retrouvent par affinités, qui pour jouer au bridge, qui à la belote, et autres jeux, le tout devant une bonne bière.

Dès qu’il arrive, Pierre Maréchal l’interpelle :

-Hello, Al ! Tu n’es pas en avance, dis-moi !

-M’en parle pas ! Entre Annie et les gosses, il y a des soirs où je ne sais plus où donner de la tête !ça va, toi, Pierre ?

- Très bien ! Surtout au club ! Alors, on se la fait cette partie ?

Deux autres amis se joignent à eux et c’est parti pour une distrayante partie de cartes.

Tout le monde interroge Al sur l’état de santé d’Annie, et ici, il est entre amis, il peut se décharger de ses soucis, en toute confiance :

-Oh ! C’est de pire en pire ! Les médicaments l’abrutissent complètement et ne l’empêche pas de boire. Elle est dans un état ! Je pense qu’elle va devoir retourner au Tromeur, malheureusement !

-Et tes enfants, Al ? L’interroge René, un ami de toujours, ils ne sont pas trop perturbés ?

-Anna, je ne crois pas : j’ai l’impression qu’elle vit sa vie et qu’elle se moque de sa mère comme de l’an 40 !

Toujours dans ses livres, ses disques, ses écrits, quand elle n’est pas dehors sur ses patins à roulettes. Et Annie me dit qu’elle est méchante avec elle, lui répond sans arrêt, lui désobéit. Bref, Anna s’en fout !

Mais Claude s’est totalement replié sur lui-même, ne sort de sa chambre que pour aller jouer avec sa sœur. Il ne parle presque plus.

-A propos d’Anna, fait Pierre Maréchal (le proviseur). Mademoiselle Kerspern a été bouleversée par sa dernière rédaction, et me l’a confiée. Je l’ai lue, et j’avoue que cela m’a fait quelque chose.

Le sujet était : « Racontez une de vos soirées »

 

Lis, Al, et ouvre enfin les yeux.

 

La rédaction d’Anna est, certes, pudique ; mais lorsqu’elle évoque l’absence de son père, les tourments que lui inflige sa mère, les conversations qu’elle a avec son frère...C’est plus que poignant, et criant de sincérité.

Et lorsqu’il lit la conclusion, Al se sent très mal à l’aise : Anna raconte que, de toute façon, il n’y a rien à attendre des adultes, puisque son père, dès qu’il a passé le seuil de la maison, se cantonne au rôle du père fouettard.

Et la fillette a terminé son devoir en écrivant :

 

 « Je me demande de plus en plus souvent, si c’est la peine de continuer à vivre : il suffirait d’avaler un des flacons de Maman, et je m’endormirais pour toujours, enfin tranquille !»

Lorsqu’il repose la copie, Al est blanc comme la craie. Jamais il n’aurait imaginé un tel mal-être chez sa fille, ni un tel climat à la maison en son absence. Et sa petite de 10 ans qui désespère déjà de la vie...Cette intention de suicide à peine voilée !

Il rend la copie à Pierre, sans un mot.

-Si tu veux mon avis, Al, d’après ce que je vois, et d’après ce que ses professeurs m’ont dit, Anna est une petite très fière, qui ne se plaint jamais, et qui fait des efforts pour se montrer toujours souriante.

Je pense qu’elle a une volonté de fer, et jamais elle ne se laisserait aller à pleurer et encore moins à se confier.

Mais Mademoiselle Kerspern, qui la connaît bien, a remarqué que, lorsqu’elle ne se sent pas observée, elle tombe le masque, et elle a, dans ces moments-là, une expression tragique. Comme « une biche aux abois » m’a-t-elle dit.

Je te ferai une copie du devoir et tu pourras ainsi le relire à tête reposée.

-Merci, Pierre ! »

Al est complètement déboussolé : il n’a rien vu, et a même activement participé au supplice d’Anna avec ses punitions !

-Al, si je peux me permettre encore un mot, fait Pierre : Anna a été particulièrement maltraitée au lycée, alors, tu imagines sa vie, si quand elle rentre...

Je pense que tu dois arrêter d’encenser Annie, et la faire hospitaliser. Et bon dieu, occupe-toi de tes gosses, donne-leur un peu de joie de vivre.

-Écoute, Pierre, j’ai cru bien faire. Je pensais qu’Anna avait besoin d’être sérieusement canalisée avec son tempérament de Slave je-m’en-foutiste ! Et je n’imaginais pas qu’Annie pouvait...

-Et si ! Annie pouvait et peut nuire ! ouvre les yeux, enfin !

Et au lycée, permets-moi de te dire qu’Anna n’a pas le comportement que tu décris ! Elle est rieuse en société, certes, mais tellement sérieuse quand elle est seule ! Et d’une maturité qui ferait presque peur ! Quand je parle avec elle, j’ai l’impression qu’elle a vingt ans, pas dix ! »

Al a du mal à terminer la partie de cartes, il est bouleversé. Sa toute petite ! Elle souffre, et par sa faute !

 

Il rentre plus tôt que d’habitude à la maison.

 

Tout est calme : Annie dort, Claude aussi. Il n’y a que de la chambre d’Anna que filtre un rai de lumière.

Il frappe à sa porte :

 

-C’est Papa. Je peux entrer ?

-Oui, je suis en train de lire.

Il l’embrasse affectueusement, s’efforçant de ne rien montrer de son trouble.


- ça va, ma biche ? Tu n’arrives pas à dormir ?

- Je n’arrive jamais à dormir tôt ! Si j’éteins la lumière, c’est parce que vous m’y obligez. Là, comme tu n’étais pas là, et que tout le monde dormait, j’ai rallumé et j’ai pris un livre.

- Tu vas essayer de dormir, maintenant ?

- Oui ? soupire la fillette, d’un air sceptique.

-Tu as des soucis ? De gros chagrins ?

Anna se ferme. Qu’est-ce qui lui prend, à Papa ? Depuis quand s’inquiète-t-il d’elle et de ses chagrin ! Pfffffff !

 

-Non, je n’ai rien, répond-elle presque sèchement.

Non mais, elle ne va pas lui faire des confidences, quand même !

Al est peiné de sa méfiance, mais bon, comment lui en vouloir ?

 

- Allez, ma belle ! J’éteins la lumière et tu me fais plaisir : essaie de t’endormir ! Bonne nuit »

 

 

 

2.     


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